Le Messager prenait place au milieu de ses compagnons, dialoguait, et plaisantait avec eux. Il s’imprégnait aussi de leurs situations, écoutait leurs plaintes, corrigeaient leurs actes et paroles contraires aux enseignements de l’islam, et particulièrement ce qui représentait un mépris et un rabaissement pour autrui. Abû Houraira rapporte : « Deux hommes s’étaient échangé des injures, et l’un d’eux insulta la mère de l’autre. La nouvelle parvint au messager d’Allah s qui dit : Tu as insulté sa mère ? Répétant cette phrase plusieurs fois. L’homme en question dit : Ô messager d’Allah s j’implore le pardon d’Allah pour le propos que j’ai tenu. Lève ta tête, reprit le Messager s, et observe la foule. Il regarda les gens autour du messager d’Allah s et ce dernier dit : Tu n’es pas meilleur que le Blanc et le Noir parmi eux, si ce n’est par la piété.

Le messager d’Allah s n’acceptait pas qu’on méprise quelqu’un ou qu’on insulte un homme, qu’il soit présent ou absent. Un jour les compagnons se réunirent dans l’une de leurs assemblées en l’absence du messager d’Allah s. S’y trouvait Khalid ibn Walid, Abdou Rahman ibn Awf, Bilal ibn Rabâh, Abû Dzar Al-Guifâri qui sont tous de grands et nobles compagnons. Il n’y avait dans cette assemblée qu’un seul Noir, Bilal l’Abyssin. Abû Dzar était véhément et agressif de par sa nature. Les gens discutèrent d’un sujet banal, Abû Dzar fit une intervention et fut contredit par Bilal.

Même toi fils de négresse, reprit Abû Dzar, tu oses me contredire ?

Bilal troublé, fâché et attristé se leva et dit : Je jure par Allah que je porterai cette affaire auprès du messager d’Allah s. Il se retira et se rendit chez le messager d’Allah s à qui il relata le propos tenu par Abû Dzar. Le visage du messager d’Allah s changea. Abû Dzar, informé, se retira et se rendit précipitamment à la mosquée. Lorsqu’il entra il salua le Prophète s en ces termes : Que la paix soit sur vous ô messager d’Allah s. J’ignore, ajouta t-il, s’il a répondu ou non à la salutation de par l’intensité de la colère [qu’il avait en lui]. Le messager d’Allah s dit : Ô Abû Dzar tu l’insultes en évoquant sa mère ? Tu es un homme chez qui il y a un reste de sentiment antéislamique. Abû Dzar fondit en larme puis s’agenouilla et dit : Ô messager d’Allah s, implore le pardon d’Allah pour moi. Il sortit de la mosquée en pleurant et Bilal le croisa. Lorsqu’Abû Dzar vit ce dernier, il plaça sa tête sur le chemin, enfonça sa joue dans la poussière et lui dit : Ô Bilal, je jure par Allah que je ne sortirais pas ma tête de cette poussière jusqu'à ce que tu la piétines, car tu es noble et moi je suis méprisable. Bilal à son tour se mit à pleurer puis se rapprocha d’Abû Dzar et de sa bouche, embrassa sa joue et dit : « Le front qui se prosterne devant Allah ne doit pas être piétiné au contraire il doit être embrassé ». Qui est donc cet homme pour qui le messager d’Allah s se mis en colère, au point qu’Abû Dzar douta de savoir si le prophète s avait répondu à sa salutation ou pas ?

Qui est donc ce géant, élancé, très brun, aux cheveux abondants et à la barbe peu fournie, auprès de qui des gens se rendaient et lui parlaient de son mérite et du bienfait qu’Allah lui avait accordé, mais qui, une fois qu’il écoutait ces éloges, évitait de tomber dans l’orgueil, et disait tandis que ses yeux étaient pleins de larmes : Je ne suis qu’un abyssin, et hier j’étais un esclave ?

Qui est donc cet esclave abyssin dont le haut rang et la haute position qu’il avait dans l’islam ne lui ont apporté que plus d’humilité, et de reconnaissance de ce que lui devait chaque ayant-droit, au point qu’il dit ayant appris que les gens le classaient avant Abû Bakr, qui est le premier calife après le Messager s : C’est le meilleur de toutes les créatures après les messagers et les prophètes ; et il ajouta : Comment pouvez-vous me classer avant lui, alors que je ne suis qu’un de ses bienfaits ?

Qui est cet esclave abyssin qui pénétrait dans la Kaaba et crachait sur les idoles se trouvant dans son enceinte en disant : Celui qui vous a voué un culte, est vraiment perdant.

Qui est donc cet esclave abyssin dont le messager d’Allah s a témoigné qu’il faisait partie des gens du Paradis, lorsqu’un jour, après la prière de l’aube il lui dit :

« Ô Bilal, parle-moi de l’œuvre que tu as accomplie dans l’islam et dont tu espères le plus, car j’ai entendu cette nuit le mouvement de tes chaussures devant moi au Paradis. Je n’ai, répondit Bilal, fait aucune œuvre dont j’espère plus que celle-ci : n’avoir jamais fait une ablution de nuit comme de jour sans prier avec cette purification autant qu’Allah décide que je prie » . ( Rapporté par Al Boukhari. )

Qui est donc cet esclave abyssin ainsi que d’autres semblables faibles au sujet desquels Allah a fait descendre des versets du Qur’an qui seront lus jusqu’au Jour de la résurrection.

Les nobles qurayshites se rendirent auprès du Prophète s, alors qu’il était assis avec Bilal l’abyssin, Salman le persan, Souhaib le romain, et bien d’autres croyants faibles tel que Ibn Ommou Abdou, Ammar et Khabbâb. Lorsqu’ils les virent auprès de lui, ils les méprisèrent, les approchèrent et dirent : « Nous souhaitons avoir auprès de toi une assemblée grâce à laquelle les arabes reconnaîtrons nos mérites, en effet les délégations arabes se rendent auprès de toi et nous avons honte qu’ils nous voient avec ces esclaves. Lorsque nous venons auprès de toi, éloigne-les de nous, et une fois notre assemblée terminée tu peux rester avec eux. – d’accord, répondit le Prophète s. Rédige pour nous, ajoutèrent-ils, un document qui nous garantit cela. Il demanda qu’on lui apporte du papier et ordonna à Ali de rédiger le document.

Le messager d’Allah s voulait ainsi conquérir et gagner les cœurs de ces personnes, d’autant plus que cela apportait la puissance à l’islam et aux musulmans. Cependant, même ceci n’a aucune valeur dans la législation islamique, les principes sont les principes et les valeurs sont les valeurs. C’est alors qu’il reçut une révélation ( La révélation parvenait au Messager s par l’intermédiaire de Jibril à qui cette charge a été confiée. Ce dernier prenait plusieurs images comme enseigné par le Prophète s: souvent l’Ange prenait l’image d’un humain et se rendait auprès du Prophète s avec qui il dialoguait, et parfois la révélation arrivait au Messager s comme des tintements de cloches, et cette forme était la plus rude. ) dans laquelle Allah le Très-haut dit :

« Et ne repousse pas ceux qui, matin et soir, implorent leur Seigneur, cherchant Sa Face “Wajh”. Leur demander compte ne t’incombe en rien, et te demander compte ne leur incombe en rien. En les repoussant donc, tu serais du nombre des injustes. Ainsi, éprouvons-Nous (les gens) les uns par les autres, pour qu’ils disent : “Est-ce là ceux qu’Allah a favorisés parmi nous ? ” N’est-ce pas Allah qui sait le mieux lesquels sont reconnaissants ? Et lorsque viennent vers toi ceux qui croient à nos versets (le Qur’an), dis : “Que la paix soit sur vous ! Votre Seigneur S’est prescrit à Lui-même la miséricorde. Et quiconque d’entre vous a fait un mal par ignorance, et ensuite s’est repenti et s’est réformé... Il est, alors, Pardonneur et Miséricordieux » . ( 6 Al-Anam 52-54. )

Le Messager laissa tomber le document de ses mains et nous appela vers lui. Nous nous rendîmes, pendant qu’il répétait le verset suivant :

«“Que la paix soit sur vous ! Votre Seigneur S’est prescrit à Lui-même la miséricorde » ( 6 Al-Anam 54. )

Après cette révélation nous nous sommes assis avec lui et lorsqu’il voulu se lever, il se leva et nous abandonna ; Alors, Allah révéla le verset suivant :

« Fais preuve de patience [en restant] avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa Face. Et que tes yeux ne se détachent point d’eux, en cherchant (le faux) brillant de la vie sur terre » ( 18 Al-Qahf 28. ).

Le messager d’Allah s, ajouta t-il, après la révélation de ce verset restait avec nous et lorsque arrivait l’heure de nous quitter, nous nous levions en premier permettant à ce dernier de s’en aller.