Qui est donc cet abyssin qui hier était esclave et qui aujourd’hui est anobli par sa conversion à l’islam ! Suivons donc son histoire comme écrite par Khalid Muhammad Khalid. Ce dernier dit ( Les hommes autour du Messager s. ): Il s’agit de Bilal ibn Rabâh, premier muezzin de l’islam qui de sa voix a proclamé l’appel de vérité. Il s’agit de Bilal le destructeur des idoles.
Il s’agit de Bilal. Qui de vous ne connais pas Bilal qui a envahi les cœurs et est aimé des musulmans de tous les coins du monde. Il s’agit d’un des plus grands miracles de l’islam.
Depuis l’avènement de l’islam jusqu’à nos jours et jusqu’au terme voulu par Allah, sur dix musulmans nous trouverons qu’au moins sept d’entre eux connaissent Bilal. Ce qui signifie qu’à travers les époques et les générations, des centaines de millions de personnes ont connu Bilal. Ils ont retenu son nom et parfaitement reconnu son rôle, exactement comme ils l’ont fait pour les deux plus grands califes Abû Bakr et Oumar.
Si tu interroges un enfant musulman qui n’est qu'au tout début de sa scolarité, que ce soit en Egypte, au Pakistan, en Chine, en Amérique du nord et du sud, en Europe, en Russie, en Iraq, en Syrie, en Iran, au Soudan, en Tunisie, au Maroc, en Algérie, dans les profondeurs de l’Afrique, dans les altitudes asiatiques, et dans toutes les régions occupées par les musulmans ; si tu lui poses la question de savoir qui était Bilal, il te répondra qu’il était le muezzin du Messager s, celui qui subissait les persécutions que lui infligeait son maitre en lui posant des pierres chauffées [a blanc] pour essayer de le faire renoncer à sa religion [l’Islam], mais ce dernier répétait toujours l’expression suivante : « [Allah est] unique, [Allah est] unique ! ». Alors que nous observons cette immortalité que l’islam a concédée à Bilal, sachons qu’avant sa conversion à l’islam, ce dernier n’était ni plus ni moins qu’un esclave qui faisait paître les chameaux de son maître moyennant quelques poignées de dattes, en attendant la mort pour être complètement effacé des mémoires.
Toutefois, la véracité de sa foi et la grandeur de la religion qu’il a embrassée l’ont placé durant sa vie et dans l’histoire à un rang très élevé au sein de l’islam parmi les grands, les nobles et les généreux.
En vérité beaucoup d’élites, d’hommes d’honneurs, de puissants et de riches n’ont pas bénéficié du dixième de la mortalité qu’a bénéficié Bilal cet esclave abyssin. Bien mieux, beaucoup de héros de l’histoire n’ont pas eu une réputation comparable à une fraction de la réputation de Bilal.
Après avoir choisi l’islam comme religion, sa peau noire, sa modeste descendance et généalogie et le mépris qu’il inspirait aux hommes en tant qu’esclave ne l’ont pas privé d’avoir un noble statut, fruit de sa sincérité, sa conviction, sa pureté et son abnégation.
Les gens pensaient qu’un esclave comme Bilal issu d’une origine étrange, n’ayant pas de famille, ni de puissance, et n’ayant aucun pouvoir sur sa propre vie, n’étant simplement qu’une possession parmi d’autre de son maître qui l’a acheté avec de l’argent, qui sort le matin et revient le soir des agnelles, chameaux et bestiaux de son maître. Ils pensaient qu’un tel être n’était capable de rien, et ne pouvait devenir quelque chose. Voila qu’il vient contre toute attente, embrasser la foi, et il est inimaginable qu’il soit à la hauteur d’une telle chose. Il devient par la suite le premier muezzin du Prophète s et de l’islam, fonction que désiraient assumer tous les nobles et puissants qurayshites qui avaient embrassé l’islam et suivi le Messager. Oui Bilal ibn Rabâh ! Quel héroïsme et quelle grandeur exprime ce nom !
C’est un abyssin d’Ethiopie, né d’une négresse nommée Hamâmah. Le destin a fait de lui être l’esclave d’Oumayya ibn Khalaf Al-Joumhi résidant à la Mecque. En effet sa mère était l’une de leurs esclaves et servantes. Il menait une vie d’esclave, ses journées se ressemblaient et étaient arides, il n’avait aucun droit durant sa journée ni aucun espoir pour son avenir.
Les nouvelles de Muhammad commencèrent à attirer son attention, lorsque les mecquois se mirent à les rapporter, et lorsqu’il prêtait l’oreille aux causeries de ses maîtres et des visiteurs, en particulier Oumayya ibn Khalaf l’un des leaders de la tribu des Banou Jamh dont Bilal faisait partie des esclaves. Son maître Oumayya parlait tantôt avec ses amis et tantôt avec les membres de sa tribu disant du Messager s des propos pleins d’exaspération, de dépit et de méchanceté.
Les oreilles de Bilal captaient les mots d'exaspération furieuse, et les attributs qui lui donnaient une idée de cette nouvelle religion ainsi que ce qu’il apporte comme appel à unicité d’Allah, exhortation aux bonnes qualités morales, égalité et liberté. Il avait le sentiment que ces qualités étaient nouvelles dans cet environnement où il vivait. Aussi il captait dans leurs conversations tonitruantes et agressives, leur reconnaissance de la noblesse de Muhammad, sa loyauté, son honnêteté et sa sagesse.
Sans doute il les écoutait manifester leur stupéfaction et leur étonnement pour cette affaire apportée par Muhammad. Les uns disaient aux autres : Muhammad n’a jamais été menteur, ni magicien, ni fou, même si nous ne pouvons aujourd’hui le taxer d’autre chose que de cela, afin de faire obstacle à ceux qui accourent à sa religion. Il les a entendus parler de son honnêteté, sa loyauté, sa bravoure, sa moralité, son intégrité et sa sagesse.
Il les a entendus chuchoter que les causes de leur défi et hostilité à l’endroit de Muhammad sont les suivantes :
- Premièrement : L’attachement qu’ils ont à la religion de leurs ancêtres avant tout.
- Deuxièmement : L’inquiétude qu’ils ont de la gloire des Qurayshites, cette gloire qui lui permet d’occuper la ville qui est au cœur de la religion, la Mecque.
- Troisièmement : La haine qu’ils éprouvent a l’encontre des Banou Hâchim du fait que soit issu de leur tribu un prophète et messager.
Un jour Bilal ibn Rabâh vit la lumière d’Allah, et entendit du fond de son âme les signaux de Sa lumière. Il se rendit auprès du messager d’Allah et lui adressa la salutation de paix. La vie de Bilal après sa conversion fut beaucoup moins tranquille que celle qu’il avait avant. Avant sa vie se réduisait a dormir, et a consommer nourriture et boisson. La nouvelle de sa conversion ne tarda pas à se propager. Leur esclave abyssin s’est convertit et suit la voie de Muhammad !
Ommeyya s’adressant à lui-même dit : Malgré cela il n’y a pas de problème, le soleil aujourd’hui ne se couchera pas avant que ne disparaisse en même temps que lui l’islam de cet esclave marron. Cependant le soleil se coucha sans emporter avec lui l’islam de Bilal, au contraire il se coucha en emportant avec lui toutes les idoles qurayshites y compris les protecteurs de ces idoles. Quant à Bilal il eut une attitude honorable non seulement envers l’islam – bien que cette religion en soit plus digne – mais aussi pour l’humanité tout entière. Il a bravement résisté aux châtiments les plus rudes. À travers lui, Allah a montré que la couleur noire de la peau et l’esclavage n’affectent en rien la grandeur d’âme si cet esclave a la foi et s’attache à son Créateur.
Bilal a donné une importante leçon à ses contemporains, aux adeptes de sa religion et a ceux d’autres religions, a savoir que le sentiment de liberté et la maîtrise de ses sentiments ne peuvent se vendre, même si le prix à recevoir est l’équivalent du contenu de toute la terre en or, ni contre tous les châtiments du monde.
Au début de la mission du messager d’Allah s, les premiers à déclarer publiquement leur conversion furent au nombre de sept : le messager d’Allah s, Abû Bakr, Ammâr et sa mère Soumeyya, Souhaib, Bilal et Al-Miqdâd. Quant au messager d’Allah s, Allah le protégea par son oncle Abû Tâlib qui défendait ce dernier et assurait sa protection. Pour Abû Bakr, Allah le protégea par le truchement de sa tribu. Quant au reste, ils furent capturés par les polythéistes qui leur firent porter des boucliers en fer et les exposèrent au soleil, et personne parmi eux ne put faire autrement que de se plier à la volonté des polythéistes, à l’exception de Bilal qui a accepté d’être humilié pour obtenir l’agrément d’Allah et pour son peuple. Les polythéistes confiaient ce dernier aux enfants qui le promenaient dans les montagnes de la Mecque et ce faisant, il répétait sans cesse l’expression suivante : [Allah] l’Unique, [Allah] l’Unique ( Sahîhou ibn Hibbân vol 15 p 558. ).
Ils le placèrent nu au dessus de charbons pour le contraindre à renoncer à sa religion, mais il ne céda pas.
Le messager d’Allah s et l’islam ont fait de Bilal un exemple pour l’humanité tout entière en matière de respect des convictions personnelles, de défense de la liberté et de la dignité.
À l’heure de midi, heure pendant laquelle le désert se transforme en un enfer mortel, ils sortaient avec ce dernier après l’avoir mis nu et le faisait s’allonger sur des cailloux chaux du désert ; puis une dizaine de personnes transportaient une pierre chauffée a la même température que l’eau bouillante et la posaient sur sa poitrine.
Ce châtiment féroce se répétait chaque jour, au point que certains cœurs sensibles eurent pitié de Bilal et décidèrent de le libérer à condition qu’il fasse l’éloge de leurs divinités ne fut-ce qu’en prononçant un seul mot préservant ainsi leur orgueil. Les Qurayshites pourraient ainsi dire qu’ils n’ont pas essuyé de défaite ni d’affront devant la ténacité et la persévérance de leur esclave. Mais, même ce seul mot passager qu’il aurait pu prononcer sans conviction et épargner ainsi sa vie, sans pour autant perdre sa foi et sans compromettre sa conviction… même ce seul mot, Bilal refusa de le prononcer ! Oui, il refusa de le prononcer et en lieu et place de cela, il répéta inlassablement son hymne perpétuel : « [Allah est] unique, [Allah est] unique ! ». Quant à eux, ils lui disaient, répète ce que nous disons, et il leur répondait avec une ironie surprenante et une moquerie ardente : « En vérité, ma langue ne maîtrise pas cela ! ».
Bilal restait ainsi dans cette position sous cette chaleur infernale, et à l’approche du crépuscule, ils le mettaient debout, attachaient une corde à son cou et ordonnaient à leurs enfants de le traîner autour des montagnes et dans les rues de la Mecque. Malgré cela, la langue de Bilal ne prononçait rien d’autre que son hymne sacré : « [Allah est] unique, [Allah est] unique ! ».
Lorsque la nuit tomba, ils marchandèrent avec lui : Demain, il faudra dire du bien de nos divinités. Dis que ton Seigneur c’est Al Lât et Al Ouzzâ, afin que nous te laissions tranquille, et que tu puisse faire ce que tu veux, nous sommes vraiment fatigués de te châtier, au point que c’est comme si c’est nous qui subissions un châtiment ! Il secouait alors sa tète en disant : « [Allah est] unique, [Allah est] unique ! ». C’est alors qu’Oumayya lui donna un coup de point, s’enflamma de dépit et de rage et cria : Quelle malchance que tu nous appartienne, mauvais esclave ? J’en jure par Al Lât et Al Ouzzâ, je ferai en sorte que tu serves de leçon pour les autres esclaves et maîtres. Dans la certitude du croyant et la grandeur du saint, Bilal répondait : « [Allah est] unique, [Allah est] unique ! ». Alors, celui à qui était confié le rôle de compatissant revenait à la charge, recommençant à parler et à marchander en disant : Reste tranquille, Oumayya. J’en jure par Al Lât, il ne sera plus jamais supplicié à compter de ce jour. Bilal fait partie de nous, sa mère est notre jeune esclave et il n’acceptera pas que sa conversion à l’islam fasse de nous un sujet de conversation et l’objet de cruelles railleries de la part des Qurayshites. Bilal fixait des yeux, ces regards mensongers et comploteurs, et alors que la lueur de l’aube apparaissait, sa bouche restait sereine sans sourire et il disait dans un calme qui les secouait vigoureusement : « [Allah est] unique, [Allah est] unique ! »
Midi arriva, le soleil était presqu’à son zénith, on amena alors Bilal vers le sable brulant. Il restait patient, espérant la récompense divine, tenace et repentant. Alors, Abû Bakr As-Sidik se rendit auprès d’eux pendant qu’ils le châtiaient et s’écria : « Ne craignez vous pas Allah ? Allez-vous tuer un homme parce qu’il dit : mon Seigneur est Allah ? Jusqu'à quand ? ». C’est alors qu’Oumayya répondit : Tu l’as corrompu, sauve-le de la situation dans laquelle il se trouve ! Il vociféra à Oumayya ibn Khalaf : Prends plus que sa valeur et laisse le libre ! C’est comme si Oumayya était en train de se noyer et venait d’être rattrapé par un canot de sauvetage ! Il fut content et heureux lorsqu’il entendit Abû Bakr proposer le prix de son affranchissement, car le désespoir de faire revenir Bilal sur ses croyances avait atteint son paroxysme dans leurs cœurs, et aussi, parce que c’étaient des commerçants, ils avaient compris que sa vente leur était plus bénéfique que sa mort. Ils le vendirent à Abû Bakr qui l’affranchit aussitôt et Bilal pris sa place parmi les hommes libres.
Pendant qu’As-Sidik mettait le bras de Bilal sous son aisselle pour l’amener à la liberté, Oumayya lui dit : Prends-le, j’en jure par Al Lât et Al Ouzzâ, même si tu ne m’en avait proposé qu’un seul ouqiya, je te l’aurais vendu à ce prix là. Abû Bakr comprit l’amertume, le désespoir et la désillusion que renfermaient ces mots, mais il n’était pas opportun de lui répondre. Toutefois, puisqu’il y avait dans cette parole une atteinte à la dignité de celui qui désormais lui était un frère et un égal, il répondit à Oumayya en ces termes : J’en jure par Allah, que même si vous en aviez exigé cent ouqiya, je les aurais versés contre sa liberté !
Il amena son compagnon auprès du messager d’Allah s et lui annonça la bonne nouvelle de son affranchissement ; ce fut une fête grandiose. Les musulmans qui avaient eu foi au messager d’Allah souffrirent de rudes préjudices de la part des Qurayshites à la Mecque. Aussi, le messager d’Allah s leur ordonna d’émigrer vers Médine afin d’être dans un lieu sûr et loin des préjudices des polythéistes qurayshites.
Après que le messager d’Allah s et les musulmans se soient stabilisés à Médine, le Messager s institua l’appel à la prière. Qui est le muezzin devant appeler à la prière cinq fois par jour et ténoriser à travers les horizons la grandeur d’Allah et Son unicité ? Bilal qui répétait, treize années durant lorsque les supplices l’accablaient et le consumaient : « Allah est unique, Allah est unique ! ». Voilà qu’aujourd’hui, le choix du Messager se porte sur lui afin qu’il devienne le premier muezzin de l’islam. Et de sa voix sereine et mélodieuse, il se mit à remplir les cœurs de foi et les oreilles de fascination pendant qu’il appelait :
Allah est plus grand, Allah est plus grand !
Allah est plus grand, Allah est plus grand !
Je témoigne qu’il n’y a point de divinité digne d’adoration en dehors d’Allah !
Je témoigne qu’il n’y a point de divinité digne d’adoration en dehors d’Allah !
Je témoigne que Muhammad est le messager d’Allah !
Je témoigne que Muhammad est le messager d’Allah !
Venez à la prière, venez à la prière !
Venez au succès, venez au succès !
Allah est plus grand, Allah est plus grand !
Il n’y a point de divinité digne d’adoration en dehors d’Allah !
Néanmoins, les polythéistes qurayshites n’avaient pas l’esprit tranquille alors qu’ils voyaient le nombre des adeptes de cette nouvelle religion progresser et augmenter. Une guerre éclata entre les musulmans et l’armée qurayshite venue de la Mecque en conquête. Il y eut une bataille violente, ardue et préjudiciable, et dans celle ci Bilal se jeta avec fureur dans la première bataille menée par l’islam, la bataille de Badr. Cette bataille dont la devise fut, sur recommandation du messager d’Allah s : « Allah est unique ! Allah est unique ! »
Au cours de cette bataille, les Qurayshites étaient sortis avec tout ce qu’ils avaient de plus cher, et tous les nobles qurayshites étaient de l’expédition, se rendant sur le lieu de leur mort ! Oumayya ibn Khalaf, faillit ne pas sortir, celui là qui fut le maître de Bilal et qui le suppliciait de manière sauvage et mortifère.
Il était sur le point de ne pas prendre part à cette expédition, mais son ami Ouqbah ibn Abû Mo‘ît ayant appris la nouvelle de son désistement et sa paresse, alla le trouver, portant dans sa main droite un encensoir et quand il lui fit face tandis qu’il était assis au milieu des siens, il jeta l’encensoir devant lui et lui dit : ô Abû Ali, utilise ceci pour t’encenser, car tu fais partie des femmes ! Oumayya lui cria : qu’Allah t’enlaidisse et enlaidisse ce que tu as apporté. Puis il ne trouva aucune autre issue que de sortir avec les guerriers, et c’est ce qu’il fit effectivement. Comme le destin a des secrets qu’il plie et déploie ! Ouqbah ibn Abû Mo‘ît est celui qui encourageait le plus Oumayyah à châtier Bilal et d’autres musulmans faibles en dehors de Bilal ; et aujourd'hui, c’est encore lui qui l’exhortait à sortir pour la bataille de Badr où il sera tué.
Oumayyah était de ceux qui avaient refusé de se rendre à la guerre et si Ouqbah ne l’avait pas mis à nu comme nous venons de le voir, il ne serait jamais sorti pour s’y rendre ! Allah atteint immanquablement tout ce qu’Il vise. Qu’Oumayyah sorte donc, car il a un vieux compte à régler avec un des serviteurs d’Allah. L’heure des règlements de compte est arrivée ; en vérité, le Souverain Juge ne meurt pas et on vous jugera du jugement dont vous jugez ! Le destin aime se moquer des oppresseurs ; aussi, Ouqbah celui dont les incitations était écoutées par Oumayyah est le même qui conduira Oumayyah à la potence ! Et qui sera son bourreau ? Ce sera Bilal lui-même, Bilal tout seul ! La même main qu’Oumayyah a enchaînée, et dont le propriétaire [Bilal] a subit coups et blessures et autres supplices. Cette même main, qui est aujourd'hui à la bataille de Badr, à un rendez-vous bien minuté par le destin, a mis fin aux jours de ce bourreau qurayshite qui, par injustice et agressivité, a humilié les croyants. Ceci s’est déroulé parfaitement. Lorsque la bataille a commencé entre les deux groupes [les Quraychites et les musulmans] et que le combat a atteint son apogée du côté des musulmans avec pour devise : « [Allah est] unique ! [Allah est] unique ! », le cœur d’Oumayyah s’est mit à palpiter et ce fut pour lui un avertissement. L’expression qui, hier, était sans cesse répétée par un esclave sous l’effet de la torture et du supplice est devenue aujourd'hui la devise d’une religion toute entière et la devise de toute une nation : « [Allah est] unique ! [Allah est] unique ! ».
Est-ce donc ainsi, et avec cette rapidité et cette croissance fulgurante ? Les sabres se mêlèrent dans le combat et la bataille fut rude…
Alors que la fin de la bataille approchait, Oumayyah ibn Khalaf ayant aperçu Abdou Rahman ibn Awf, le compagnon du messager d’Allah, chercha sa protection et lui demanda de faire de lui son prisonnier dans l’espoir de sauver sa vie. Abdou Rahman accepta sa proposition et le protégea. Puis, il l’emmena avec lui […] Bilal les ayant aperçus en route s’écria : « Le leader de la mécréance, Oumayyah ibn Khalaf, tu ne te sauveras pas si d’aucuns se sauvent ». Puis il dégaina son sabre pour décapiter celui dont la vantardise et l’orgueil n’avaient que trop duré. Abdou Rahman ibn Awf s’écria à son tour : « Ô Bilal, c’est mon captif ». Un captif tandis que la guerre gagnait en intensité et se poursuivait ? Un captif alors que du sang suintait de son épée, traduisant ce qu’il avait fait des corps de musulmans il y a de cela quelques instants ? Que non ! Cela, de l’avis de Bilal, c’est se moquer des gens. Oumayyah a assez ri et s’est assez moqué des gens. Il s’est moqué au point d’avoir épuisé la moquerie et n’a rien épargné pour ce genre de jour, ce genre de bourbier et ce genre d’échéance. Bilal s’étant avisé que tout seul, il ne pouvait pas violer la protection garantie par son frère en Islam, Bilal, cria de toutes ses forces aux musulmans : « Ô alliés d’Allah, voici le leader de la mécréance, Oumayyah ibn Khalaf, vous ne serez pas sauvés s’il se sauve ! Des musulmans encerclèrent Oumayyah et son fils -ce dernier combattait aux côtés des Qurayshites- et Abdou Rahman ne put rien faire… pire encore, il ne put protéger ses boucliers que la bousculade avait dispersés.
Bilal jeta un regard prolongé sur le corps d’Oumayyah qui s’était écroulé sous les épées tonnantes ; puis à pas rapide, il s’en alla pendant que sa voix sereine criait : « [Allah est] unique ! [Allah est] unique ! ».
Je ne crois pas que nous ayons le droit d’étudier le manque de la tolérance de Bilal dans ce genre de situation…Si la rencontre entre Bilal et Oumayyah avait eu lieu dans d’autres conditions, il nous aurait été permis d’exiger de Bilal, de pardonner, et il ne sied pas à un homme ayant ce rang dans la foi et la piété d’en être avare. Cependant, la rencontre qui a eut lieu entre eux, s’est déroulée au cours d’une guerre, où chaque groupe était venu pour en finir avec son adversaire. Les épées se croisaient, les morts tombaient, […] puis, Bilal aperçut Oumayyah qui n’avait laissé sur son corps l’espace d’un pouce où l’on ne trouve les marques du supplice qu’il lui avait fait subir. Où le voit-il et comment ? Il l’aperçoit sur le champ de bataille et de guerre, en train de trancher les têtes de musulmans qu’il trouve à sa portée et si a cet instant il avait trouvé Bilal, il aurait essayé de le tuer. Dans ce genre de conditions, aucune logique équitable ne nous permet de demander à Bilal pourquoi il n’a pas pardonné d’un beau pardon.
Des jours s’écoulèrent et la Mecque fut conquise. Le messager d’Allah s y entra reconnaissant envers son Seigneur et proclamant Sa grandeur à la tête de dix milles musulmans. Il se dirigea tout d’abord vers la Kaaba, ce lieu saint que les Qurayshites avaient encombré d’un nombre d’idoles équivalent au nombre des jours de l’année !
La vérité est venue et l’erreur a disparu ! À compter de ce jour, plus jamais de Ouzzah, ni de Lât, ni de Houbal, l’être humain ne se prosternera plus jamais pour une pierre, ni une idole et les gens n’adoreront plus de bon gré qu’Allah dont rien ne Lui ressemble, l’Unique, le Très Grand et le Très Sublime.
Le Messager s entra dans la Kaaba, se faisant accompagner par Bilal. Mais à peine était-il entré qu’il fit face à une idole sculptée représentant le prophète Ibrahim a en train de consulter le sort au moyen de fléchettes. Le Messager s se mit aussitôt en colère et dit : « Qu’Allah les anéantissent ! Notre ancêtre ne consultait pas le destin à l’aide de fléchettes. Ibrahim n’était ni juif, ni chrétien, mais il était un pur monothéiste entièrement soumis à Allah ». Puis il donna l’ordre à Bilal de grimper sur le toit de la Kaaba pour appeler à la prière. Bilal appela donc à la prière ! Quel moment merveilleux ! Quel endroit merveilleux et quelle merveilleuse occasion !
Rien ne bougeait plus à la Mecque, des milliers de musulmans se tenaient debout dans le calme, répétant dans le recueillement et à voix basse, les mots de l’appel à la prière après Bilal. Le Messager tint ce discours aux gens de la Mecque : « Peuple qurayshite ! Allah vous a débarrassé de la fierté de l’époque de l’ignorance antéislamique et du fait de tirer orgueil de ses ancêtres. Les gens sont tous issus d’Adam et Adam a été créé de poussière ».
Il dit à la fin de son sermon bien qu’étant victorieux : Ô peuple de la Mecque, que pensez-vous que je vais vous faire ? Ils répondirent : Du bien, tu es un frère généreux et le fils d’un frère généreux. Il conclut : Partez, vous êtes en effet libres ! Dans leurs maisons, les polythéistes n’arrivaient pas à le croire ! Est-ce Muhammad et ses pauvres qui, hier, ont été bannis de ce territoire ? Est-ce lui véritablement en compagnie de dix milles croyants ? Est-ce vraiment celui que nous avons combattu et banni et dont nous avons tué les gens qu’il aime le plus ? Est-ce véritablement lui qui s’adressait à nous il y a quelques instants en ces termes alors que nous étions ses captifs : « Partez, vous êtes libres ? ».
Bilal vécut avec le messager d’Allah s, prenant part à ses côtés à toutes les expéditions, appelant à la prière, revivifiant et protégeant les rites de cette grande religion qui l’a sorti des ténèbres à la lumière et de l’esclavage à la liberté.
L’islam prit une dimension importante de même que les musulmans. Ce faisant, chaque jour qui passait rapprochait plus Bilal du messager d’Allah s qui le décrivait comme étant « un homme du Paradis ». Toutefois, Bilal restait le même, généreux et humble, ne se considérant que comme étant « l’abyssin qui hier était un esclave ».
Il partit un jour demander la main de deux femmes pour lui et son frère et dit à leurs pères respectifs : « Je suis Bilal et voici mon frère, nous sommes deux esclaves de l’Abyssinie ; nous étions égarés et Allah nous a guidés ; nous étions deux esclaves et Allah nous a libérés. Si vous nous donnez vos filles en mariage, louange à Allah et si vous nous les refusez, c’est qu’Allah est plus grand ! ». « Ô Bilal, tu n’es plus un esclave asservi, au contraire, tu es devenu un maître sous l’égide de l’islam. N’est-ce pas que Oumar ibn Al Khattâb, le deuxième calife du messager d’Allah s a dit de toi le jour de ton affranchissement : Abû Bakr est notre maître et a affranchi notre maître ».
Le Messager s rendit l’âme et s’en alla trouver son Seigneur satisfait et agréé. Après lui, ce fut son calife Abû Bakr As-Siddîq qui lui succéda en tant que chef spirituel et temporel des musulmans. Bilal se rendit auprès du calife du messager d’Allah s et lui dit : « Ô calife du messager d’Allah, le messager d’Allah s a dit : « Camper pour un jour et une nuit [dans le cadre du djihad] est meilleur que jeûner et effectuer les prières nocturnes pendant un mois et s’il meurt [celui qui campe ainsi], il lui sera inscrit continûment les bonnes œuvres qu’il accomplissait, et il est préservé d’al fattân ». ( NDT : Il est dit dans Nayloul Awtâr qu’al fattân ici c’est le Diable, ou bien Mounkar et Nakîr, les deux anges qui interrogent le mort dans la tombe. )
Abû Bakr lui dit : Que veux-tu, ô Bilal ? Il répondit : Je voudrais camper dans la voie d’Allah jusqu'à la mort. Abû Bakr demanda : Qui va donc appeler à la prière pour nous ? Bilal répondit pendant que les larmes coulaient le long de ses joues : Je n’appellerai à la prière pour personne d’autre après le messager d’Allah s.
Abû Bakr reprit : Reste et appelle à la prière pour nous, ô Bilal. Bilal lui répondit : Ô commandeur des croyants, si tu m’as acheté et affranchi pour toi, retiens-moi donc et si tu m’as acheté et affranchi pour Allah, laisse-moi pour Allah ainsi que ce que je fais. Abû Bakr conclut : Bien sûr, je t’ai affranchi pour Allah ô Bilal.
Bilal voyagea pour la Grande Syrie et y campa, jusqu’au jour où il vit le messager d’Allah en songe lui dire : « Quelle est cette insensibilité, ô Bilal ? N’est-il pas temps que tu me rendes visite ? ». Il se réveilla triste, puis emprunta une monture pour se rendre à Médine. Il se rendit près de la tombe du Prophète s et s’y mit à pleurer. Al Hassan et Al Hussein arrivèrent et il se mit à les embrasser et les étreindre. Ils lui dirent : Nous souhaitons que tu appelles à la prière de l’aube.
Il grimpa sur le toit de la mosquée et de sa voix émouvante et mélodieuse, se mit à faire l’appel à la prière. Lorsqu’il dit : Allah est le plus grand, Allah est le plus grand, Médine qui avait toujours entendue cette voix mélodieuse du vivant du messager d’Allah s se mit à frémir et lorsqu’il prononça : Je témoigne que Muhammad est le messager d’Allah, les gens sortirent de leurs demeures répétant ces mots en pleurs avec lui.
Après cet évènement, il ne fit plus l’appel à la prière avec sa voix mélodieuse, subtile et imposante, car à peine prononçait-il durant l’appel à la prière : Je témoigne que Muhammad est le messager d’Allah, que les souvenirs l’envahissaient et sa voix s’éclipsait sous l’effet de son affliction et à la place des mots, il n’y avait que des pleurs et des larmes qui sortaient.
Son dernier appel à la prière eut lieu à l’époque où le Commandeur des croyants, Oumar d, visita la Grande Syrie et que les musulmans sollicitèrent son intercession auprès de Bilal afin que ce dernier fasse pour eux un seul appel à la prière. Le Commandeur des croyants appela Bilal tandis que l’heure de la prière était proche et souhaita qu’il fasse l’appel à cette prière. Bilal grimpa et appela à la prière, les compagnons qui avaient vécu avec le messager d’Allah s pendant que Bilal faisait l’appel pour son compte se mirent à pleurer. Ils pleurèrent comme jamais auparavant ils n’avaient pleuré, et ce fut Oumar qui pleura le plus intensément.
Bilal le muezzin campa dans la voie d’Allah en Grande Syrie conformément à son désir jusqu’au moment où arriva le terme de sa vie. Sa femme perdait patience à ses côtés durant la maladie à la suite de laquelle il mourut et criait : Ô, mon chagrin ! et à chaque fois, Bilal ouvrait ses yeux et disait : Ô, ma joie ! Puis il poussa ses derniers soupirs en répétant :
"Demain, nous rencontrerons les biens aimés, Muhammad et les compagnons Demain, nous rencontrerons les biens aimés, Muhammad et les compagnons."
Il était alors âgé de soixante et quelques années et fut enterré près de la petite porte du cimetière de Damas. Ainsi, sa terre renferme les ossements d’un des plus grands hommes de l’islam qui, comme des montagnes bien hautes se sont tenus fermement dans les principes et le sacrifice pour la cause de la vérité. Qu’Allah soit satisfait de toi et t’agrée, ô Bilal.